Aujourd’hui, C’est Rocky Zéro qui nous dévoile qui se cache derrière son dermographe. Souvent cité dans mes séries d’inspiration, j’aime son jeu de couleurs et son impertinence.
Quel métier rêvais-tu de faire lorsque tu étais enfant ? Quel est ton premier souvenir de tatouage ?
Enfant, je voulais être « dessinateur de bagnoles », entre autres, à cette époque ça change toutes les semaines selon les films que tu vois. J’ai aussi voulu être champion du monde de boxe, chirurgien, et finalement tatoueur.
Tatoueur c’est venu après la rencontre de Georges, un pote de camping à mes parents. Le Patrick Chirac du film « Camping » en version un peu plus punk. Il avait des tatouages faits à l’aiguille sur les bras, ça me fascinait. Il me disait « Tu vois, tu prends plusieurs aiguilles que tu attaches ensemble, tu trempes un peu dans de l’encre, tu picotes la peau et hop, ça reste toute la vie. »
Littéralement subjugué ! Subjugué par la puissance instinctive de l’engin et sa capacité quasi instantanée à affronter l’irréversible. En d’autres termes il ne se prenait pas le chou, avec rien. Il était libre. Il portait ses bousilles fièrement et j’étais tout aussi fier que mes parents aient un pote qui « n’avait jamais lu aucun bouquin ». Grâce à lui, ma mère avait abandonné les devoirs de vacances.
Il m’a vraiment inspiré longtemps le Georges. Mais à un moment j’ai arrêté tout de même.
Qu’est ce qui t’inspire le plus dans la vie ? Quelles sont tes influences musicales, cinématographiques, littéraires, picturales ou autres, en un mot, artistiques ?
Aujourd’hui l’érotisme dans l’art, ça me parle beaucoup ; les choses plus classiques aussi, intemporelles, partir d’une observation/constat de vie parfois humoristique, puis le développer avec toute la poésie que je peux y mettre, et aller jusqu’à la mélancolie. L’érotisme c’est comme un moyen, un médium, une sorte de cheval de Troie qui me permettra de voyager dans le temps. La période française fin 19è/ début 20è siècle en est un très bon exemple, « le classique et la décadence ». J’ai de moins en moins d’influences en fait … Je ne m’inspire presque plus d’artistes.
Mes derniers boulots questionnent le manque de matière historique de la période antique, pré-chrétienne. Je tente de chercher au fond de mon ventre ce qu’on ne sait plus, ce qu’on a oublié, ayant l’intime conviction que la qualité de vie était bien plus élevée à cette période… L’art du peuple proliférait ! Bizarrement, en sortant de l’antiquité et en entrant dans le moyen-âge, les arts populaires ont disparu sur notre territoire. Alors qu’en Scandinavie ou en Irlande par exemple, ils étaient largement présents jusqu’au 7ème siècle. Et oui, à partir de ce moment là, il fallu payer les élites ! Et c’est de pire en pire.
Peux-tu me parler de tes propres tatouages ? Que représentent-ils ? Quelle est leur histoire ? Quels artistes t’ont tatoué et pourquoi ?
Mes tatouages sont comme ça. J’aime beaucoup la botte avec la typo « sale petite pute » que Morgane Mangetesmorsky m’a faite. C’est d’abord marrant puisqu’un peu osé/ grossier de porter une phrase qui ressemble à une insulte, puis on se dit que c’est « certainement » en référence à une femme (botte féminine) qui l’a « sûrement » rendu triste. Et du coup c’est moins marrant. C’est cet effet « d’ascenseur émotionnel », de mélange d’humour et de nostalgie que j’essaie de mettre dans mes compos.
Dans le même créneau, j’avais demandé à mon pote Brice Poil une danseuse de flamenco triste, avec un gros cul bien sûr… Et il y a très bien répondu ! Je suis toujours fasciné par autant de tragique se dégageant d’une danse, à priori créée pour faire la fête.
Il y a mon pote Mike de Chiale Baby à Lille qui vient de finir un gros vautour à 2 têtes sur mon torse et je lui commande la jambe gauche compète. C’est génial de se faire tatouer par un pote !
Bref à chaque fois, l’idée se fait dans ma tête et je donne le sujet à un collègue pour la réalisation.
Le tatouage se démocratise, les regards changent, comment va évoluer le tatouage selon toi ?
A mon humble avis de jeune praticien (à peine 10 ans de pratique), je pense que c’est une bonne chose que le tatouage se re-démocratise en Occident, après le trou noir du début 20ème siècle. C’est très bien que « tatouage » ne soit plus associé à « voyou » et qu’il puisse reprendre sa place dans le quotidien des gens comme il l’a fait durant des milliers d’années.
Après, il va falloir surveiller l’évolution et guetter les risques de récupération mercantile de la profession par l’Etat (illusion de sécurité au travers de taxes exorbitantes) et autres organismes foireux qui proposent des formations pourries hors de prix.
Être tatoueur demande beaucoup d’abnégation, de recherche et d’exigence de soi. Seule une formation dispensée dans un rapport d’un maître à un élève peut s’avérer efficace, vu la quantité d’informations à assimiler avant d’être opérationnel. Et d’autant plus aujourd’hui avec le niveau en dessin qui monte beaucoup grâce aux échanges d’informations par internet.
Le tatouage c’est comme tout, il y a des magasins qui vendent des tables basses qui tiennent à peine 1 an, fabriquées par des enfants et il y a ceux qui vendent des tables basses faites par des artisans du coin en bois massif garanties à vie.
Je vais tout faire pour que le tatouage évolue de manière qualitative, c’est pourquoi je défends le projet de statut « d’artiste tatoueur » et non le système de formation accélérée via un CAP ou autre diplôme bancal délivré par un prof bancal dans une école bancale, soumise à un programme de formation encore plus léger et bancal.
Le seul moyen d’y arriver, c’est d’être passionné ! Programme scolaire et passion ça fait pas bon ménage !
Et là tu me diras « T’énerve pas Rocky ! » Et là je répondrais: « Je m’énerve pas, j’explique … C’est juste que je veux le mieux pour mes clients, parce que j’aime mon métier et qu’il n’y a pas plus gratifiant que de travailler du mieux qu’on peut. »
Où le trouver ?
Les Vilains Bonshommes
4 rue des Bons Français
44000 Nantes
Contact: rockyzerocontact@gmail.com
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